Sept occasions de partager la flamme

"Faire vivre le patrimoine Légion, l’esprit de combat, le code d’honneur, les règles de vie… est une mission centrale de la Maison-mère d’Aubagne et de ses onze régiments", Général Alain Lardet, COMLE

La transmission est un enjeu fondamental du monde militaire. Pour une troupe d’assaut, quoi de plus essentiel que de bâtir sur un socle d’expérience, de savoir-faire, de traditions, etc., sans repartir de zéro à chaque nouvelle génération? Autrement dit, la responsabilité d’entretenir la flamme est essentielle. Faire vivre le patrimoine Légion, l’esprit de combat, le code d’honneur, les règles de vie… est une mission centrale de la Maison-mère d’Aubagne et de ses onze régiments. Les deux inscriptions sur le musée, Legio Patria Nostra et More Majorum rappellent cette exigence de la mémoire collective. Elles encadrent d’ailleurs notre monument aux morts pour rappeler que le quotidien du légionnaire évolue lui aussi entre ses repères. C’est ainsi la première vision du candidat, lorsqu’il se présente à l’entrée du quartier Viénot pour devenir légionnaire. Si la mission de transmettre est quotidienne tout au long de l’année, comme l’illustre le ravivage de la Flamme du Soldat inconnu, ce mois de juillet a été particulièrement riche dans ce domaine. Je vous propose 7 occasions de partager la flamme, symbole de la force d’âme et de l’esprit de service.  

Les cérémonies du 14-Juillet tout d’abord, dont le thème était précisément “Partager la flamme”. Dans les différentes garnisons Légion ou bien sûr à Paris, ce rendez-vous de nos armées avec les Français est une puissante occasion de partager, de transmettre l’esprit de Défense. “C’est à vivre, c’est inoubliable”, m’a dit un légionnaire du 2e REG qui descendait pour la première fois les Champs-Élysées. Oui, que l’on soit novice ou expérimenté comme cet adjudant de la musique qui défilait pour la vingtième fois, parader sur la plus belle avenue du monde rend palpables la grandeur et la fierté de servir. Ce fut un beau défilé qui a certainement allumé de nouvelles petites flammes et ravivé les autres.

Le thème de cette année faisait d’ailleurs écho aux quatre-vingts ans de Bir Hakeim et à la disparition du dernier des Compagnons de la Libération, le lieutenant Hubert Germain. Au dernier chapitre de son livre entretien, il écrit ceci : “peu à peu, les Compagnons disparaissent. Mais la marque viscérale de leurs sacrifices devra demeurer pour toujours dans la mémoire de la France; rien ne meurt, tout est vivant”. Voilà une deuxième occasion d’alimenter notre flamme.

La troisième occasion de partager un peu de lumière de la flamme Légion s’est présentée lors de la traditionnelle prise d’armes au Sénat. Comme deux autres légionnaires d’active, Simon Murray, ancien légionnaire, recevait des mains de monsieur Gérard Larcher son décret de naturalisation française. À plus de quatre-vingts ans, cet aventurier, homme d’affaires et conteur sans pareil, est un falotier pour notre temps. Son dernier livre pourrait éclairer votre été et à coup sûr rallumera toutes les flammes vacillantes.

La quatrième occasion rejoint la précédente. J’ai retrouvé, lors d’une passation de commandement régimentaire, un ancien légionnaire de ma section. Le légionnaire Skelin avait ce charisme pour transmettre autour de lui, dans sa section ou dans sa compagnie, cette flamme du service avec honneur et fidélité. Presque 30 ans après, j’ai retrouvé le même sourire et ce même éclair dans le regard; rien ne meurt.

Le mois de juillet est traditionnellement riche pour l’exercice de passage de flamme entre deux colonels. Nos quatre régiments d’infanterie Légion et le GRLE ont changé de chef de corps, voici une cinquième occasion de célébrer, au travers de la passation du drapeau ou du flambeau, le devoir de transmission. Avec ma profonde reconnaissance pour les colonels quittant leur commandement, tous mes vœux accompagnent les “nouveaux porte-flamme”.

Autre transmission majeure, la sixième occasion de ce mois de juillet concerne le changement de président des caporaux-chefs de la Légion étrangère. Après huit années comme représentant des militaires du rang à titre étranger, le caporal-chef Gobé quitte sa fonction pour la transmettre au caporal-chef Hovi. Ce poste est celui d’un gardien de phare qui s’assure de ce que la flamme ne s’éteigne jamais, afin qu’aucun légionnaire ne soit en perdition. Merci Gobé, et en avant Hovi.

Si cet éditorial devait être une charade, la septième occasion serait mon tout. L’adjudant-chef (er) Salih Gusic a été rappelé à Dieu. Né en Bosnie-Herzégovine, engagé à vingt ans à la Légion étrangère en 1947, le légionnaire Gusic aura tout traversé de son époque. Il aura tout connu. De toutes les batailles, avec toutes les unités légionnaires parachutistes, lui valant dix citations et l’attribution de la fourragère des théâtres d’opérations extérieurs aux couleurs du ruban de la médaille Militaire à titre individuel, à tous les postes, de légionnaire à commandant d’unité au feu, de la deuxième compagnie du 2e REP, en passant par président des sous-officiers à membre du conseil des sages de l’AALP, cet être d’exception possédait la flamme du guerrier. Dignitaire de la Légion d’honneur, porteur de la main du capitaine Danjou, Salih Gusic était un homme d’une gentillesse extrême et d’une attention touchante aux jeunes de la famille. Sa flamme a éclairé largement autour de lui. Rien de ce qui compte ne meurt.

Ces 7 événements dessinent, vous l’aurez compris, notre grenade. Ils sont autant de reflets de la Légion et sont garants de notre force morale. 

 

Général Alain Lardet

Commandant la Légion étrangère

Editorial Képi Blanc - Août

 

| Ref : 774 | Date : 05-08-2022 | 4778