Au moment où le souvenir des festivités de Camerone s’estompe, il est temps de poursuivre la préparation opérationnelle des unités de Légion. “Si vis pacem, para bellum (1)”, “train as you fight and fight as you train (2)”, “entraînement difficile, guerre facile”, nombre de dictons militaires rappellent que la préparation opérationnelle est décisive pour la victoire. Aussi, il est tout naturel que celle-ci soit au cœur de l’attention des chefs dans la grande transformation de l’armée de Terre qu’ils ont lancée. Repenser la guerre comme un affrontement de deux forces de même pied semble imposer une remise en cause de la manière de s’entraîner. Mais cela ne veut pas dire que depuis des années les unités se seraient laissées aller à la facilité ou que les régiments ne sont plus prêts à un engagement en haute intensité. En effet, l’article 5 du Code d’honneur du légionnaire reste bien ancré : “Soldat d’élite, tu t’entraînes avec rigueur, tu entretiens ton arme comme ton bien le plus précieux, tu as le souci constant de ta forme physique”.
More majorum
De fait, l’entraînement aux engagements les plus durs est culturel à la Légion et il ne s’agit pas de changer cet état d’esprit d’un iota. S’entraîner à la manière des Anciens, cela signifie cultiver le fond de sac du légionnaire : la rusticité. La guerre à l’Est est là pour rappeler à quel point cette dimension est indispensable au combat. Pour un légionnaire, faire la guerre, cela veut dire tenir le terrain, dans la durée, quelle que soit la météo, la température ou les conditions tactiques. Pour un légionnaire, faire la guerre c’est porter de lourdes charges et bondir de poste de combat en poste de combat. Mais cette rusticité n’est pas que physique, elle est aussi morale. Garder son sang-froid quand les difficultés se multiplient, résister aux épreuves physiques et morales, ne pas s’effondrer lorsque les morts et les blessés s’accumulent, cette force de caractère relève du savoir-être collectif et se développe par l’esprit de corps. Seuls le groupe, la section, la compagnie, le régiment permettent de faire face et de poursuivre la mission. Cette force d’âme se développe dans la douleur des entraînements difficiles mais aussi au quotidien par les traditions, les usages et les règles de vie en vigueur à la Légion.
Être prêt
Mais l’esprit des Anciens doit être baigné d’actualité, il s’agit de se préparer aux réalités des guerres d’aujourd’hui : Ukraine, Gaza, Haut-Karabakh... Il est indispensable que chacun s’intéresse à la manière de combattre dans son domaine de spécialité sur ces champs de bataille. Cette curiosité est salvatrice et offre l’ascendant dans des combats de position, en zone urbaine ou dans des offensives reposant sur la vitesse de la manœuvre. Les affrontements en cours convergent en un point : le vainqueur sait aussi bien utiliser les plus hautes technologies que s’en passer. Il sait surtout combiner ces deux situations. Plus que les considérer de manière successive, c’est de manière conjointe qu’il faut employer “high-tech” et “low-tech”. En 2024, l’enjeu est bien celui-ci. Être prêt revient à s’entraîner avec endurance, réalisme et pragmatisme. Le drill, véritable discipline de l’entraînement doit rester une force, comme il a toujours été à la Légion, aussi usant soit-il. Cette persévérance est surtout nécessaire pour maîtriser tous les matériels de haute technologie qu’il faut savoir exploiter à plein potentiel. Il serait inadmissible pour des soldats professionnels de n’utiliser qu’une partie des capacités de leurs équipements. Cet entraînement doit aussi nous permettre de savoir réaliser les mêmes performances dans des situations de frugalité technologique avancée. Afin d’atteindre cette excellence, l’autonomie du système Légion conserve toute sa pertinence, en garantissant la disponibilité des personnels, des véhicules, des transmissions, des optiques comme de l’armement.
Rien n’empêche
Je vous encourage donc tous, officiers, sous-officiers et légionnaires à poursuivre votre entraînement avec pugnacité. Votre niveau de préparation opérationnelle doit demeurer une obsession. L’ingéniosité et l’entrain sont, au bilan, les principales ressources pour, un jour, monter à l’assaut dans les meilleures conditions. La guerre de demain ne sera bien sûr pas celle d’aujourd’hui, mais plus vous serez prêts, plus vous saurez vous adapter. Votre imagination et le goût développé de nos régiments pour l’innovation sont les clés indispensables à la victoire. Enfin, nous détenons une richesse non mesurable dans la variété des profils de nos légionnaires et sous-officiers. Il est impératif de l’exploiter afin de s’adapter, le jour venu, avec réactivité et agilité aux menaces qui progressent dans tous les domaines, cinétiques comme non cinétiques. Poursuivons donc nos efforts, comme nous savons le faire, sans nous brider, ni nous restreindre.
Le général commandant
la Légion étrangère